lundi 8 mai 2023

La « génération sandwich »

 


Ce midi, Myriam Guilbert, créoles argentées et maquillage discret, n’a pas eu le temps de déjeuner. C’est devenu courant, ces jours-ci. Elle a passé des heures à tenter de changer le contrat de mutuelle de sa mère, à prendre des rendez-vous avec son kinésithérapeute et son orthophoniste, et doit désormais aller chercher son fils à la maternelle. Myriam Guilbert aura peut-être « une heure pour travailler entre 17 et 18 heures, avant de préparer le repas du soir ». Depuis que sa mère a fait un AVC en décembre 2022, ses journées passent en un clin d’œil, sans un instant de repos. Fille unique, elle doit faire toutes ses courses, lui apporter ses repas, lui téléphoner deux fois par jour pour vérifier que tout va bien, compléter le travail de l’aide ménagère qui ne vient qu’une heure par semaine.

Son mari, manutentionnaire, travaille en horaires décalés et n’a pas souvent le temps de lui prêter main-forte. « J’ai parfois emmené mon fils chez ma mère, mais cela lui faisait manquer des siestes. Il est fatigué, j’ai moins le temps de profiter de lui, je me sens coupable », regrette la téléconseillère en free-lance, installée à Wattrelos (Nord). Avant de se coucher, elle a pris l’habitude de noter dans un carnet toutes ses tâches du lendemain, pour ne rien oublier. « Jusqu’à 22 heures, tous les soirs, mon cerveau est en ébullition. Je travaille moitié moins qu’avant, j’ai peur pour mon prochain salaire. Ça tremble dedans. Depuis quelques jours, je me dis que je ne vais pas tenir longtemps, il y a une fatigue qui se met en place », soupire-t-elle.

Cette sensation d’être pris en étau entre les besoins de ses parents et ceux de ses enfants, c’est le lot de la « génération sandwich », expression inventée par les démographes anglo-saxons pour désigner les quadragénaires et quinquagénaires contraints de s’occuper au quotidien d’un parent en mauvaise santé, alors qu’ils ont encore de jeunes enfants à charge.


Illustrations : Théophile Sutter

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