lundi 3 avril 2023

Ryuichi Sakamoto est mort

 


Certains musiciens ont tant donné de mélodies inoubliables qu’ils semblent, toute notre vie, nous avoir entourés, fait vivre en eux plus encore qu’accompagnés. 

Ryuichi Sakamoto était un univers encore plus qu’un astre, dont l’influence sur la musique est inquantifiable. Une mélodie, bien sûr, surnage dans l’écume de son legs : celle du thème de «Furyo» (1983), grand film de Nagisa Oshima dans lequel Sakamoto, acteur pour la première fois, partageait l’affiche avec David Bowie. Il suffit pourtant d’en entamer une déconstruction sommaire pour mesurer l’ampleur de ce que le musicien y avait mis, traditions japonaises et postromantiques, pop électronique, orientalisme occidental et rêveries orientales de l’Occident… Tout un monde de mondes en mouvement, dont il était un grand ordinateur et, très justement, le maestro incontesté, un monument dans son pays, le Japon, et le musicien nippon le plus célèbre partout ailleurs.

Et puis, flottant entre les articulations de cette construction si habile, sa propre mélancolie, celle d’un enfant de Tokyo né après la guerre, projeté dans le bain de la révolution de la fin des années 60, dont il fut partie prenante en même temps qu’il apprenait le métier de compositeur. Il ne cessa d’ailleurs par la suite de se soucier de la vie de son pays, depuis les cimes de la bulle économique jusqu’au drame de Fukushima. Militant et humaniste, émancipé des folies du star-system, Ryuichi Sakamoto était aussi une voix politique, à sa manière, faussement feutré mais d’une puissance infinie, intransigeant sur les dérives démocratiques, sur le nucléaire dont il était un critique acerbe. 

Il y a quelques semaines, une lettre ouverte envoyée à la gouverneuse de Tokyo appelait cette dernière à renoncer à un projet de rénovation de deux stades du quartier de Shinjuku, qui devait aboutir à l’arrachage de centaines d’arbres. «Nous ne devrions pas sacrifier de précieux arbres que nos ancêtres ont passé cent ans à protéger et élever pour un gain économique à court terme.»

✍️ Olivier Lamm

📷 Frans Schellekens / @gettyimages

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