Cannes s’est construit sur les violences du monde à l’écran et les paillettes en dehors, quelques films glamour et beaucoup d’autres radicaux. Si le cocktail des contraires reste gagnant, cette édition, qui s’achève samedi 27 mai, contient un arôme inédit.
Les questions de société ne figurent plus seulement dans les œuvres, elles bousculent le Festival lui-même, si habitué à vivre dans sa bulle. Cet émoi existentiel fait écho aux mots de Jean-Luc Godard durant le Cannes de mai 1968 :
« Je vous parle de solidarité avec les ouvriers et les étudiants et vous me parlez travellings et gros plans. Vous êtes des cons ! »
Depuis dix jours, on débat beaucoup à Cannes des agressions contre les femmes dans le cinéma, d’une planète devenue poubelle, des richesses mal partagées. Sans oublier les réseaux sociaux friands de polémiques.
Ce climat, qui fait de Cannes autant un théâtre des accusations qu’un accusé, infuse partout, au point que les acteurs et actrices, cinéastes ou producteurs présents se doivent d’en parler, quitte à reléguer les films et les esthétiques en second rideau.
La projection en ouverture de Jeanne du Barry, de Maïwenn, a donné le ton. Il fut moins question de la forme du film, ou des audaces de la courtisane, que de Johnny Depp.
Pas de l’acteur en Louis XV mais d’un homme sorti essoré d’un procès en diffamation qu’il intenta à son ex-épouse Amber Heard, les membres du couple s’accusant mutuellement de violences conjugales. A travers textes, tribunes, affiches et l’on en passe, ce film parasita le début du Festival sur un thème qui traduit la subtilité des échanges : Cannes serait un festival de violeurs.
Photo : Une couverture de magazine dans un sac devant le Palais des Festivals à Cannes le 24 mai 2023. Daniel Cole / AP