Quarante-huit heures avant le mouvement de grève des contrôleurs de la SNCF prévu ce week-end, le premier ministre Gabriel Attal a opposé mercredi 14 février le droit de grève à un devoir de travailler. « Les Français (…) savent que la grève est un droit, mais je crois qu’ils savent aussi que travailler est un devoir », a lancé le premier ministre, interrogé sur le mouvement qui devrait perturber la circulation des trains en plein week-end de vacances scolaires.
Les deux principes que M. Attal semble opposer sont extraits du Préambule de la Constitution de 1946. L’alinéa 5 affirme que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » tandis que le septième précise que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Quelle est la portée juridique de ces deux principes ? Sont-ils vraiment opposables ? Pour Bérénice Bauduin, maître de conférences en droit social à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, il serait « hypocrite » de mettre ainsi en regard deux principes qui n’ont pas la même valeur dans la jurisprudence constitutionnelle, où le « devoir de travailler » ne figure pas.
Sommes-nous tous soumis à un « devoir de travailler » ?
Le devoir de travailler est une notion très large ; on peut y mettre un peu ce qu’on veut car elle n’a pas été réellement définie juridiquement. Surtout, elle n’a jamais fait l’objet d’une décision de jurisprudence par le Conseil constitutionnel. C’est-à-dire que ses membres n’ont jamais eu à se prononcer sur une loi qui viendrait se confronter à ce principe. L’idée même d’un devoir de travailler est gênante car, dans le droit français, on ne peut pas obliger quelqu’un à travailler. On ne peut pas empêcher un salarié de démissionner, c’est un droit protégé. Même le principe de réquisition, qui peut s’appliquer dans certaines circonstances, est très encadré. Cela va aussi à l’encontre de certains principes internationaux, comme le travail forcé qui est interdit par l’organisation internationale du travail.
Photo : EMMANUEL DUNAND / AFP
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