« Ne me dis pas que je t’ai gâté, mon enfant chéri.
J’ai été sévère. Il fallait mater le jeune poulain plein de sève mais ton dressage a été bien facile, mon grand chéri », lit-on dans un cahier pris au hasard près de l’armoire. Dans la chambre du sous-lieutenant Hubert Rochereau, né à Bélâbre, dans l’Indre, le 18 octobre 1896 et mort au combat, le 25 avril 1918, s’entassent sa correspondance avec ses parents, des vêtements, une pipe à opium, un paquet de cigarettes anglaises aussi. Tout ce que le soldat engagé sur le front ouest rapportait à chaque permission. Puis il s’est éteint, tué d’un éclat d’obus dans la tête, à 21 ans. Ses parents ne s’en sont jamais remis.
Cette chambre avec vue sur une roseraie flétrie est devenue une sorte de mausolée privé, en hommage à un enfant unique adulé : un temps, les parents avaient même allongé un mannequin sur son lit, vêtu de ses véritables habits. Et depuis, rien, pas un drap, pas une bougie, n’a bougé pendant cent cinq ans. Cette incongruité macabre vient du respect par les occupants successifs de clauses écrites devant notaire par les parents d’Hubert Rochereau lorsqu’ils veulent se séparer de leur demeure : laisser la chambre en l’état pendant cinq cents ans ou « s’en débarrasser en la pulvérisant » et ne jamais organiser de fête dans la maison. Rien qui pourrait troubler le recueillement.
Photos : @elesurbourgeois / HANS LUCAS
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