Pour Laurence Allard, maîtresse de conférences en sciences de la communication et chercheuse à l’université Sorbonne-Nouvelle et membre de l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel, le partage de cette image interroge par sa non-représentation du conflit.
Cette image a envahi les réseaux sociaux depuis quelques jours. Pourquoi celle-ci, plutôt qu’une autre ?
Cette image a été partagée 47 millions de fois en soutien aux Palestiniens, mais en y réfléchissant elle est assez choquante. Si elle fonctionne aussi bien c’est parce que c’est une image lisse, léchée, avec un visuel doux de camp de vacances. Elle représente tout l’inverse de l’état de Rafah.
L’intelligence artificielle qui a construit cette image a vu le sang et les victimes, et a reconstruit le camp, nettoyé. Ça ressemble à une hallucination visuelle : « Tous les regards sont lancés vers Rafah », mais elle n’a été prise par aucun regard. Il y a une injonction paradoxale : on veut solidariser avec une image où il n’y a rien. L’image est aussi très lisse et peut passer toutes les censures algorithmiques. Les internautes expriment alors un soutien avec une image qui ne représente rien, mais c’est aussi peut-être parce qu’elle ne montre rien qu’elle est autant partagée.
Cette image représente le « clictivisme », c’est-à-dire qu’on partage une information en un clic avec un vague commentaire, mais on est au degré zéro de l’engagement. On partage un slogan, et un visuel sans forcément y réfléchir, en s’y livrant très peu. C’est un engagement minimal dans lequel on se performe comme une personne qui ressent de la compassion, a minima.
Photo : Capture d’écran de l’image « All Eyes on Rafah » qui circule sur les réseaux sociaux.
(Extraits articles de presse) Libération, le Monde, le Figaro, L'Equipe, Télérama, Première, AFP, Reuters, AP News
vendredi 31 mai 2024
"Cette image ce n'est pas Rafah"
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