Seize minutes de vertige et d’effroi. Alors que le troisième jour du procès des attentats de Trèbes et Carcassonne (Aude) touchait à sa fin, mercredi 24 janvier, le président de la Cour d’assises spéciale de Paris, Laurent Raviot, a fait diffuser un enregistrement sonore d’une dureté rarement entendue dans cette enceinte, qui a pourtant accueilli son lot de souffrances. Un vent glacial de seize minutes : la bande-son des derniers instants du colonel Arnaud Beltrame, le dernier quart d’heure de sa vie. Puis le magistrat a annoncé la suspension de l’audience, la salle s’est vidée, et chacun est rentré chez soi.
Ce document audio retrace les négociations qui ont été menées avec le terroriste, Radouane Lakdim, jusqu’à l’assaut des forces d’intervention. Celles-ci ont été confiées à la cellule nationale de négociation du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), qui se trouve à Versailles-Satory, dans les Yvelines, à plus de 800 kilomètres de Trèbes, et non au négociateur de l’antenne locale. Un choix opérationnel qui, à la lumière de l’issue tragique de l’événement, n’a peut-être pas été sans incidence sur la capacité du négociateur à analyser correctement la situation.
On a en réalité entendu deux bandes-son, mercredi, dans cette salle d’audience réservée aux grands procès terroristes, deux scènes parallèles. Celle que le négociateur a dû gérer en direct, dans le noir, privé d’images, contraint d’imaginer et d’improviser sans comprendre ce qu’il entendait. Et celle que les personnes présentes dans la salle d’audience ont vécue, la gorge serrée, envahies d’images terrifiantes, éclairées par leur connaissance rétrospective des faits : la lente agonie d’Arnaud Beltrame.
Illustration : Le président de la cour d’assises, Laurent Raviot, et ses assesseurs, au procès des attentats de Trèbes et Carcassonne, à la cour d’assises spéciale de Paris, le 24 janvier 2024.
ERWAN FAGES #pourlemonde
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