S’il y avait bien un truc auquel on ne s’attendait pas en rencontrant David Hallyday, c’était de se trouver un point commun avec lui, en l’occurrence un lieu, un quartier, celui de l’enfance. Quand on avait lu l’adresse du rendez-vous, Chez Trassoudaine, place Nationale, dans le 13e arrondissement de Paris, on avait cru à une erreur. Une véritable machine à remonter le temps, ce rencard. Pour s’y rendre, on a donc repris la route des premiers souvenirs, longé le HLM dans lequel on habitait, petite fille, la dalle où l’on jouait à l’élastique, l’école primaire, la piscine dans laquelle on avait appris à nager, les restaurants ouverts par des Chinois au début des années 1980, lorsque Jacques Chirac tendait les bras aux immigrés issus des dictatures de l’Orient extrême et que l’arrondissement votait encore communiste.
Trassoudaine, on en connaissait le nom, pas la particularité : une adresse prisée par les rockeurs – les métalleux, pour être précis –, tenue par deux frères d’origine arménienne, chaleureux et volubiles. En attendant « David », on se raconta des histoires du quartier et de ses figures : l’ancienne teinturière devenue la plus élégante libraire de Paris ; le rockeur Bernard Lavilliers, dont on squattait l’entrée de l’immeuble avec les copines, dans l’espoir de lui soutirer un autographe ; le fantôme du chanteur Christophe, qui, en fin de nuit, venait caresser les touches du piano du restaurant ; des noms d’institutrices surgissant du passé. On apprit à l’occasion une info capitale : l’école dans laquelle on avait usé nos sabots avait été celle de Sheila – L’école est finie –, ce que les profs de l’époque s’étaient bien gardés de nous confier.
Lorsque David Hallyday arriva, on était déjà chez nous, avant de constater qu’il était complètement chez lui. Des accolades et des bises en veux-tu en voilà, de la salle à la cuisine – « David, il est de la famille », glisse le patron avec un sourire.
Photo : David Hallyday, au restaurant Chez Trassoudaine, à Paris, le 20 novembre 2023.
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