Cette année, la saison met du temps à démarrer. Dans mon champ, les légumes poussent lentement à cause de la pluie et des nuits fraîches. Je récolte moins, mais je travaille autant. Pour la première fois, après neuf années de maraîchage, j’estime que je mérite mieux qu’un faible revenu. Pour autant, je refuse de trimer 70 heures par semaine, pour obtenir un revenu décent.
Je travaille donc 35 heures, pour un revenu indécent. Et je vois mes amis partir en Bretagne, en Sicile, pendant que je reste au champ. Les après-midi, mes enfants se rendent à la piscine municipale, tandis que je vais travailler. Un sentiment d’injustice me traverse alors. Le soir, le corps lourd, la pensée usée, je regarde les infos et la France qui se cherche un premier ministre. Ce bal des candidatures laisse un goût amer.
En devenant paysan, j’ai cessé de croire à la fin du travail. L’idée alléchante que le progrès nous délivrera un jour de la nécessité m’apparaît aujourd’hui comme un leurre. Car il faudra un travail gigantesque pour réduire l’usage des pesticides, des énergies fossiles, tout en relocalisant la production agricole. Est-ce que nous voulons changer nos manières de vivre, ou continuer d’importer notre alimentation, et faire travailler les autres à notre place ?
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Article : Mathieu Yon
Photo : Aerial View Of Misty Sunrise, River Rhone, Thoissey, Ain, Eastern France. Aga sur MotionArray
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