mardi 4 mars 2025

Mort de Jean-Louis Debré le gardien du temple chiraquien

 

De même qu’il y a trois âges de la vie, il n’est pas exagéré de dire qu’il y a eu trois Jean-Louis Debré. Le fils de famille devenu magistrat, le ministre parfois brocardé – porte-flingues assumé de la chiraquie triomphante – et le président du Conseil constitutionnel, se bâtissant une stature qu’on ne lui soupçonnait pas forcément. Avant de présider aux destinées de la Cour constitutionnelle, cet ancien magistrat aura occupé quasiment toutes les fonctions électives possibles, suivant le cursus honorum classique de la Ve République, conçue par son propre père, Michel Debré, premier Premier ministre du général de Gaulle : conseiller général, adjoint au maire de Paris, député de l’Eure, maire d’Evreux, président de l’Assemblée avant de s’installer rue de Montpensier, Jean-Louis Debré est mort ce mardi 4 mars, il avait 80 ans.

Au risque de commencer par les choses qui fâchent, l’image la plus prégnante qui nous reste est celle du ministre de l’Intérieur du premier Jacques Chirac, entre 1995 et 1997. Jusqu’alors soldat dévoué d’un mentor qu’on donnait battu avant qu’il décroche l’Elysée, Debré prend enfin toute la lumière en s’installant place Beauvau. Confronté d’abord à la vague d’attentats islamistes commis en France par le Groupe islamiste armé, il s’enferre au printemps 1996 dans l’affaire des sans-papiers de l’église Saint-Ambroise. Ils sont 300 – Maliens, Sénégalais, Mauritaniens… – dont les titres de séjour n’ont pas été régularisés mais qui ont développé des liens familiaux en France. «Ni régularisables, ni expulsables», leur colère monte et après avoir été chassés de l’église du XIe, ils errent dans Paris avant d’arriver fin juin dans l’église qui surplombe le quartier de la Goutte-d’or, l’église Saint-Bernard. Le 21 août, Jean-Louis Debré explique qu’il entend mettre fin à la situation et évacuer le bâtiment «avec humanité et cœur». L’action violente des CRS le surlendemain à l’aube, qui pénètrent dans l’église en éventrant à la hache une porte latérale, choquera l’opinion. Le contraste entre cette image et les déclarations du ministre, qui fera la une de Libé, lui collera longtemps à la peau.

✍ Michel Becquembois

📷 Sébastien Calvet

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