samedi 15 février 2025

"Je ne souhaitais pas mourir dans ce corps qui n'était pas le mien"

 

Béatrice Denaes est née une seconde fois à l’âge de 62 ans. La première fois, en 1956, on lui a attribué le genre masculin. Une assignation qu’elle a toujours refusée intérieurement. «Petit Jésus, fais que je sois une fille», récite-t-elle enfant, les mains tournées vers le ciel. Mais ses prières du soir tardent à être entendues. «Dans les années 1960, on ne parlait pas de transidentité, regrette-t-elle. Je ne savais pas pourquoi je me sentais fille dans un corps de garçon, donc j’ai dû assumer un côté masculin, tout en essayant de “survivre” : dès que je le pouvais, je m’habillais en fille. En cachette.»
A la cinquantaine – une carrière de journaliste, un mariage avec sa femme Christine et deux enfants plus tard –, la crise devient existentielle. «Je ne souhaitais pas mourir dans ce corps qui n’était pas le mien», explique-t-elle. Le 13 février 2019, son vœu est exaucé. Par la médecine plus que par les cieux. Après une vaginoplastie, son corps et son esprit sont finalement réunis. Les premiers mots qu’elle perçoit au réveil sont ceux d’une infirmière : «Madame, ça va ?» Hier comme aujourd’hui, la réponse reste identique. «Je n’ai jamais été aussi heureuse d’être enfin moi-même», s’extasie-t-elle, le sourire à hauteur de sa boucle d’oreille.

Comme Béatrice Denaes, après 50 ans, des personnes font leur coming out trans – c’est-à-dire annoncent ne pas s’identifier au genre qu’on leur a attribué à la naissance. En 2024, le cinéma s’est particulièrement intéressé à ces parcours de vie avec le film Emilia Pérez et le documentaire Will & Harper, qui racontent chacun à leur manière l’histoire de femmes ayant entamé leur transition sur le tard. En France, il est difficile de connaître avec certitude le nombre de transitions de genre menées à partir de la cinquantaine, tout comme celui, plus global, des seniors trans. «Selon les modes de calcul, les personnes trans représentent entre 1 et 2 % des moins de 25 ans, donc on estime que le pourcentage est inférieur chez les plus de 50 ans car davantage de monde se déclare trans aujourd’hui», détaille Arnaud Alessandrin, sociologue.

👉 L'article d'Adam Lebert est à lire dans l'appli Libé, lien en story

📷 @nolwennbrod

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