Chaque semaine dans l'édition week-end de Libé, Mathieu Lindon analyse le style d'un auteur ou d'une autrice. Il parle cette semaine de l’autrice chilienne Nona Fernández et du livre Mémoire céleste. Extrait :
Les souvenirs sont au centre de Mémoire céleste. Il y a ceux qu’on ne veut pas perdre et ceux dont il faut s’assurer qu’ils sont réels. Nona Fernández remonte au latin. «Se souvenir, c’est donc, étymologiquement parlant, passer de nouveau par le cœur. Alors, si chaque fois qu’on se souvient une constellation de neurones s’allume quelque part dans notre cerveau, il faudrait supposer que le cerveau et le cœur, tels deux poissons attachés par la queue [comme dans la constellation des Poissons précédemment évoquée, ndlr], sont étroitement liés.»
Il y a un «récit génétique» de l’être humain à travers les millénaires, et la narratrice recherche «l’origine de mon passé, le point zéro de tout, le nombril de ma propre histoire, enfoui quelque part dans mon hypothalamus».
Un soir d’il y a longtemps où on voyait bien les étoiles, sa mère a développé pour la narratrice enfant «une théorie délirante». Elle a prétendu que «là-haut, […] il y avait des gens tout petits qui essayaient de communiquer avec nous par des signaux à travers des miroirs. Une sorte de morse lumineux qui envoyait des reflets en guise de messages».
Et la narratrice adulte se souvient de ce qu’elle a alors imaginé : «que ces messages étaient envoyés du ciel par ces gens tout petits pour nous dire bonjour et nous montrer qu’ils étaient là, malgré la distance et l’obscurité. Bonjour, nous sommes là, nous sommes les gens tout petits, ne nous oubliez pas».
D’une façon ou d’une autre, «ces gens tout petits» sont présents tout au long de Mémoire céleste, quelle que soit leur taille. Il y a ceux qui sont tout petits dans le temps ou l’espace, simples pions dans l’histoire de l’humanité, et ceux qu’on rend tout petits par le biais d’une dictature, ceux qu’on ne considère pas, à qui la prison ou la mort sont promises s’il leur vient à l’idée de penser par eux-mêmes.
📸 Gonzalo Donoso
(Extraits articles de presse) Libération, le Monde, le Figaro, L'Equipe, Télérama, Première, AFP, Reuters, AP News
lundi 24 février 2025
Nona Fernandez le trop plein des trous noirs
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
La lutte sans fin de la pionnière du MeToo japonais
Le 29 mai 2017, à Tokyo, Shiori Itō témoigne du viol qu’elle a subi. Qu’une victime s’exprime à visage découvert est un fait historique au...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre passage