Mesurons la distance, en années-lumière, entre l’œuvre de Yoji Kuri et le tout-venant de l’animation japonaise de ces soixante-dix dernières années, avec son Human Zoo (1962) – dispo comme beaucoup d’autres sur YouTube. Récompensée par une «mention spéciale» au Festival d’Annecy (une première pour un film japonais à l’équivalent de Cannes pour l’animation), cette boucle de deux minutes montre des couples en cage, où madame mène monsieur à la laisse ou lui plante un parapluie dans le dos, sur fond d’aboiements humains. Le trait est minimal, presque grossier ; le malaise est palpable, l’humour grinçant et le film fleure bon le vent d’Est avec ses cartons d’ouverture dignes de l’animation tchécoslovaque.
Yoji Kuri aura personnifié le versant libre et séditieux des «dessins animés» au Japon, hors des «histoires». «L’anime diffusé à la télé aujourd’hui ressemble à du kamishibai [forme de théâtre ambulant nippon où les histoires sont racontées en faisant défiler des illustrations, ndlr], tweetait-il en 2010. On peut les écouter sans les regarder. L’anime idéal devrait exprimer des idées intellectuellement et visuellement.» Il revendiquait un millier de courts réalisés et/ou produits jusqu’à sa mort le 24 novembre à l’âge de 96 ans de cause naturelle.
Il suffit à chaque fois à Kuri d’une poignée de minutes pour croquer les maux minant le Japon d’après-guerre (consumérisme, aliénation de la vie urbaine) dans des mondes de poche, proches (Two Grilled Fish (1960) et son île édénique vite couverte de gratte-ciel surpeuplés) ou lointains (The Midnight Parasites (1972), exploration d’une planète de prédateurs qui annonce le classique la Planète Sauvage (1973) de René Laloux). Et pour dérouler une vision noire de l’existence selon un montage en flot de mauvaise conscience (Love (1963), suite de Human Zoo avec un autre couple en mode amour gnouf ; Manga (1977), succession de vignettes où, notamment, un prisonnier dessine une porte pour s’évader de sa cellule et débarque au milieu d’un peloton d’exécution).
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📷 Despatin & Gobeli / Opale
(Extraits articles de presse) Libération, le Monde, le Figaro, L'Equipe, Télérama, Première, AFP, Reuters, AP News
jeudi 26 décembre 2024
Mort de la figure de l'animation japonaise Yoji Kuri épure merveille
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