Chaque jour pendant trois mois, fin 2020, l’écrivain Yannick Haenel a assisté au procès de l'attentat qui a visé la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, tuant douze personnes.
Chaque nuit, il a couché par écrit ces témoignages pour les restituer le lendemain sur le site et dans les pages du journal satirique. Huit ans après, le procès terminé, quelle mémoire collective en reste-t-il ? De la confrontation aux paroles et à l’innommable, l’auteur, devenu chroniqueur pour Charlie peu après l’attentat, a tenté de tirer une ligne entre les rescapés et les morts – Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Elsa Cayat, Bernard Maris, Honoré et les autres – et de faire émerger, en parallèle de la vérité judiciaire, soldée par la condamnation de tous les accusés, une certaine vérité de la mémoire. Plus qu’à commémorer, il appelle à se remémorer ces noms, en continuant à penser, par le dessin et l’écriture, les fractures de la société française.
Extrait de son interview :
Q : Que représente cet attentat dans la mémoire collective, huit ans après ?
R : Ce nom, devenu un symbole après les attentats, est le lieu de beaucoup d’ambiguïtés. Peu de gens lisent et savent ce qui s’écrit à Charlie qui pâtit d’une image, même dans une partie du milieu intellectuel, presque réactionnaire. Mais la lutte contre le fanatisme et le racisme par le rire, historique à gauche, n’a rien à voir avec l’islamophobie. L’héritage de ces journées, qui avaient fédéré la France, s’est étiolé. J’en veux pour preuve l’absence relative de réaction collective forte suite à la tentative d’assassinat de Salman Rushdie.
C’est dû sans doute, en France, à une peur croissante de diviser encore plus politiquement la société sur la question de l’islam radical. L’héritage des attentats, qui aurait dû faire fleurir la réflexion sur le fanatisme et ce qui nous relie, a failli. Les procès de Charlie, du 13 Novembre ou de Nice – très peu suivi – semblent s’accompagner d’une volonté d’oubli, organisée par la société elle-même.
L'interview complète est à retrouver dans Libération ce week-end et sur l'appli Libération
✏️ @cocoboer
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre passage