Il arrive que des mots pourtant bien connus de notre cerveau se mettent à sonner bizarre. On a beau les faire tourner en boucle et en bouche, soudain ils semblent tout juste nés, auréolés d’un épais mystère. “La Figure”, de Bertrand Belin, procure cette sorte de déstabilisation, et ce n’est pas l’auteur qui va éclaircir la situation au travers de ce livre en forme de miroir à triple face.
Il y a la figure maternelle, avec sa veine apparente sur la joue, toujours à courir partout, pour qu’il y ait à manger dans l’écuelle conjugale. La figure paternelle, honnie devant l’éternel, en partance pour l’au-delà sur une civière. Et la Figure avec une majuscule, alias la conscience du narrateur, mais n’allez pas la croire sévère, elle est tout le contraire.
Bertrand Belin met le langage en éprouvette, avec une bonne dose d’acide, quelques larmes, et des « Bon » tout ronds qui tombent au fond. Et confirme la théorie énoncée par Chloé Delaume dans “La Règle du je” : écrire sur soi donne le meilleur si l’exercice est pris comme une expérience de laboratoire, obstinée, imprévisible, explosive.
✍ Marine Landrot
📸 Helene Bamberger
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