En 2014, après un article du « Monde des livres » sur Une enfance de rêve (Flammarion), où Catherine Millet retrace ses plus jeunes années, un lecteur m’avait expédié un courrier courroucé.
Comment voulez-vous qu’on vous prenne au sérieux, protestait-il, si vous utilisez à tout-va l’expression « chef-d’œuvre », comme vous le faites pour encenser le dernier Millet ?
A ce lecteur, j’avais répondu qu’il avait raison, ce mot ne devait pas être utilisé à la légère.
C’était si vrai, faisais-je valoir, que, depuis mes débuts au journal, quinze ans plus tôt, je ne l’avais encore jamais utilisé.
On comprendra que la suite d’Une enfance de rêve, qui vient de paraître sous le titre Commencements, ait pu susciter quelque attente. Si notre lecteur est resté fidèle au journal (qu’il en soit alors remercié), rassurons-le : on ne parlera pas ici de chef-d’œuvre.
Du reste, il ne pouvait pas en être autrement.
Ce qui magnifiait Une enfance de rêve, c’était la manière dont l’autrice reconstituait le monde intérieur du bébé : avec tact et sensibilité, elle montrait comment l’enfant colle aux apparences avant que la vie ne mette des distances entre sa conscience et les choses.
Quand s’ouvre "Commencements", le temps a passé, le réel fait déjà obstacle, la société impose ses contraintes.
Une certaine insouciance s’est perdue.
© Le monde
Photo : Catherine Millet, à Nice, en 1970.
© DANIEL TEMPLON
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